- Interview de Jean-Lou Chameau, président du Caltech (California Institute of Technology).
Parue dans Sciences et Avenir, mars 2007.

[La France] pourrait-elle s'inspirer de certains aspects du modèle américain ?
Il pourrait y avoir une meilleure intégration entre l'enseignement et les programmes de recherche, comme c'est le cas aux Etats-Unis, afin d'utiliser au mieux les compétences des meilleurs. Comme les ressources publiques baissent, les universités et grandes écoles vont devoir se tourner vers le privé. J'observe des débuts de mécénats. Aux Etats-Unis, c'est évidemment le cas depuis longtemps. Le Caltech est totalement privé, mais le Georgia Tech pas entièrement : la part publique dans son budget a cependant baissé, d'environ 35% au début des années 1980 à 25%. Il a fallu faire appel aux entreprises ou aux mécènes pour de nouvelles ressources.
Dans ces conditions, comment préserver l'indépendance de la recherche ?
C'est vraiment une question typiquement française ! Les entreprises ou les individus font de vrais dons. Ils n'attendent rien en retour, si ce n'est d'être sûrs que leur argent est bien utilisé. C'est toujours l'université qui reste maîtresse de ses programmes ; une fois ses projets définis, elle cherche les financements. Aux Etats-Unis, la recherche est largement financée sur projets, ce qui commence à se faire aussi en France, avec la création de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR).
En France, les entreprises n'ont pourtant pas l'air d'aimer les jeunes chercheurs, les docteurs. Comment faire ?
C'est dur à changer car les entreprises pensent que les jeunes docteurs n'ont aucun côté pratique, tandis qu'aux yeux des jeunes chercheurs, l'entreprise passe pour impure. En fait, on apprend beaucoup par la recherche. Résoudre les problèmes par soi-même est un des meilleurs moyens d'apprendre. Les entreprises américaines l'ont compris en embauchant pas mal de docteurs. Mais c'est aussi parce que la recherche est beaucoup plus intégrée à l'enseignement, à la différence de la France.